HISTOIRE DU BEARN
(extrait du livre de JB. Laborde)

CHAPITRE I. Le Béarn aux époques préhistoriques

I. Les grottes de l'âge du renne. II Les dolmens à l'époque de la pierre polie. - III. L'âge du métal.

CHAPITRE Il . Les «peuples pyrénéens au début des temps historiques

I. Les Ligures - II. Invasion des Ibères au Nord des Pyrénées III. Les peuplades de l'Aquitaine.

CHAPITRE III .  La conquête de l’Aquitaine par les Romains

I. - Les Aquitains soutiennent la révolte de Sertorius., - Il Crassus, lieutenant de César, attaque l'Aquitaine et s'empare de Sos. - III. Il défait les tribus confédérées qui doivent faire, leur soumission.

CHAPITRE IV. La domination romaine

 I. L'Aquitaine au début de l'Empire. - II. La Novempopulanie. - III. Les douze cités au IVème siècle. - IV. Organisation des cités. . V. La civilisation romaine le latin ; la religion les voies romaines les villas et leurs mosaïques.

 CHAPITRE V Les invasions barbares Le christianisme.

I - L'invasion des Vandales, Alains et Suèves en 407. - II. Invasion des Wisigoths ; création d'un royaume wisigoth (419). - III. Prédication de  l'Evangile en Novempopulanie ; premiers évêques connus de Béarn et d'Oloron.

 


CHAPITRE I. Le Béarn aux époques préhistoriques

I. Les grottes de l'âge du renne. II Les dolmens à l'époque de la pierre polie. - III. L'âge du métal.

I.         Les plus anciennes traces de peuplement humain se manifestent dans les Pyrénées à la fin de l'époque de la pierre taillée, à l'âge qu'on appelle du renne. Après la dernière extension glaciaire, le climat restait froid et l'homme était obligé de chercher un abri dans les grottes, très nombreuses le long de la bordure calcaire des Pyrénées. Les hommes de ces cavernes étaient des chasseurs de rennes qui abondaient alors dans nos forêts et des pêcheurs. C’étaient aussi des sculpteurs, véritables ,artistes, qui burinaient, avec des pointes de silex, sur des fragments d'os ou sur des bois de renne, des figures d'animaux, des poissons, des plantes, des ornements divers. Les grottes des Espalungues, près de Lourdes, d'Espélugue, à Izeste, de St-Michel, à Arudy, ont fourni des spécimens remarquables de cet art dit magdalénien. 

Bâton, orné de spirales (Art Magdalénien) trouvé dans la grotte d'Espalungue, à Izeste.

 Ces chasseurs de rennes avaient aussi le goût de la parure. Ils portaient des colliers faits de canines d'ours, et de lion, percées d' un trou et gravées. Des ornements de ce genre ont été trouvés à Sorde, dans-la grotte de Duruthy et à Saint-Christau (près de Lurbe), dans la grotte de Causepas,

 Il - Le climat étant devenu plus chaud, le renne et ses chasseurs disparaissent de nos contrées ; une race nouvelle, avec une nouvelle civilisation, occupe notre sol, vers le douzième ou dixième millénaire avant notre ère. L'homme polit le silex, domestique les animaux, pratique l'élevage et l'agriculture. Il a le culte des morts, comme le prouvent les monuments funéraires, dolmens et tumulus qu'il élève et dont on trouve des vestiges à la lisière des montagnes : dolmens de Buzy et de Peyre-Cor (Escout), et en avant de la chaîne, sur le plateau de Ger, dans le Pont-Long, aux environs de Garlin. Dans les tumulus ou tombelles, élevés vers la fin de l'époque de la pierre polie, au troisième millénaire environ avant notre ère, on constate la présence, de vases d'argile, ornés de dessins géométriques, reposant sur de petits pieds disposés circulairement mus la base. Ces vases se trouvent à côté des ossements. Ces sortes de poteries ont été exhumées. en grand nombre dans les landes du Béarn.

III. – L’âge du bronze, qu'on situe entre 2500 et 900 avant J.-C., a laissé peu de traces dans nos, contrées. On attribue cependant à cette période certains monuments de pierre, en forme d'enceintes. ou de cercles, qui renferment à leur centre des vases contenant des cendres funéraires et des fragments de métal. Ces cromlechs se rencontrent dans nos Pyrénées, en particulier sur le. plateau du Benou, au-dessus de Bielle on y remarque quarante-trois de ces cercles, partagés en trois groupes. Des enceintes analogues ont été signalées dans les pâturages de Brousset et de bious, au pied du Pic du Midi d'Ossau. En fouillant ' les tumulus du plateau de Ger, on a trouvé des galets disposés également en cercles concentriques.

 L'âge du fer, qui embrasse les huit ou neuf siècles qui, précédent notre ère, a laissé des traces dans les nécropoles de Ger.  

 Gravure sur os, trouvée par M. Mascaraux dans la grotte Saint-Michel d'Arudy.
(Cliché de la Revue de Ecole d'Anthropologie de Paris).

 On a découvert en effet au sein de ces tombelles des torques, des pendeloques, des fibules ou agrafes, des lances, des épées dont la poignée se termine par deux antennes, forme du poignard ibère. Ces armes et ces parures sont tordues et déformées, sans doute parce qu'elles ont subi l'action de la haute température du brasier qui avait incinéré le corps du guerrier ou du chef à  qui elles ont appartenu. Les hommes de cette époque incinéraient en effet les cadavres. Les cendres avec les débris des armes étaient déposées dans des urnes de terre cuite, analogues à celles qu'on rencontre à l’âge précédent. Le rite de l’ensevelissement sous un tumulus, de même que l'usage de ces vases, se sont perpétués pendant des siècles, puisqu'on les constate, à des époques bien différentes, aussi bien à la fin de la période néolithique, à l’âge du métal.

 CHAPITRE Il.  Les «peuples pyrénéens au début des temps historiques

I. Les Ligures - II. Invasion des Ibères au Nord des Pyrénées III. Les peuplades de l'Aquitaine. 

I. - Les hommes, qui nous ont laissé les cercles de pierre du Benou et les urnes de terre, contenant les cendres funéraires, trouvées dans les tumulus du plateau de Ger, sont les Ligures, qui ont occupé la région pyrénéenne, comme d'ailleurs les autres régions de la Gaule, au début du premier millénaire avant J.-C. On trouve encore d'autres traces de leur passage :  certains cours d'eau, les Gaves des lacs, des montagnes ont reçu des Ligures l'appellation qui les désigne encore. Les Celtes, venant du Nord, envahirent la Gaule, au V` siècle avant notre ère, mais leur domination ne s'étendit pas jusqu'aux Pyrénées.

Il. - Par contre, les Ibères, venus d’Espagne, où ils avaient fondé sur les rives de l'Ebre (d'où ils tiraient leur nom) des états puissants, franchirent les monts vers l’an 500 av. J.C. et occupèrent nos régions. Ils refoulèrent les Ligures dans les, quartiers les moins fertiles, les côtes de l'Océan, les sables des Landes, les forêts, et s'approprièrent les terres les plus riches. La présence des Ibères sur notre sol se révèle dans la nomenclature géographique, qui est en grande partie ibère, quand elle n’est pas ligure ou romane. Les vocables toponymiques, terminés en os (Gelos, Arros, Urdos, etc.) que certains auteurs ont fait dériver du grec, ont une origine ibère. Elle apparaît encore dans le vocabulaire relatif à la végétation, à l'entretien et à l’exploitation du bétail. La ressemblance de beaucoup de ces termes avec des vocables basques a fait supposer que les Basques actuels étaient les descendants directs des Ibères. C'est une hypothèse admise par la majorité des Basquisants, mais combattue par d'autres.

IlI. - On a pu identifier, avec plus ou moins de certitude, d'après les textes des écrivains latins, les tribus ibères établies sur notre sol : les Bigerriones, dans la plaine de Tarbes ; les Tarbelles, en Chalosse et Labourd ; les Venarni en Béarn, les Tarusates dans le Tursan (région d'Aire), les Sibyllates, en Soule ; les Oscidates montani et «campestres, en Ossau et dans la région d’Oloron, mais cette attribution paraît douteuse.

Ces populations étaient groupées en villages. Elles avaient bâti aussi des bourgades fortifiées, des oppida, tels que Sos, Calagorris (St-Martory (Haute Garonne), l'oppidum d'Orra (St-Lézer de Bigorre), Lluro qui commandait le passage du Somport, peut-être même Beneharnum. Par les grandes voies de Roncevaux et du Somport, les Ibères du versant Nord des Pyrénées gardaient le contact avec les Ibères d'Espagne. Les relations entre ces frères de race étaient constantes. C’était le va-et-vient des bergers et des troupeaux sur les sentiers de la transhumance, le transit des marchands qui transportaient métaux, armes, parures, et pièces d'argent frappées en Espagne.

C'est grâce aux Ibères d’Espagne, pense Camille Jullian que les Ibères de nos régions connurent les bienfaits et la force de l'union. Ils se donnèrent le nom collectif d'Aquitains, mot qui paraît d'origine ibère. Cependant, on ne trouve pas chez eux de grandes fédérations permanentes, comme dans les autres régions de la Gaule ; seuls, les Tarbelles formèrent une grande peuplade, qui groupait les hommes du Labourd, de la Chalosse et du Béarn. Ces Aquitains étaient surtout pasteurs et agriculteurs. L’industrie aussi leur était familière ; ils exploitèrent les gisements minéraux du sol. C'était un peuple énergique, brave, d'un courage plus froid que les Celtes. Leur religion différait de celle des Celtes ; les divinités gauloises et le druidisme leur étaient inconnus. Ils rendaient un culte aux astres, aux montagnes, aux arbres, aux sources, au génie protecteur de leur tribu.  


Tumulus à cromlechs (Plateau de Ger)

CHAPITRE III La conquête de l’Aquitaine par les Romains 

I. - Les Aquitains soutiennent la révolte de Sertorius., - Il Crassus, lieutenant de César, attaque l'Aquitaine et s'empare de Sos. - III. Il défait les tribus confédérées qui doivent faire, leur soumission.

 I. - Le premier contact des Aquitains avec Rome se produisit au cours de la guerre entreprise par Sertorius contre le Sénat. Sertorius, chassé d'Italie après la victoire de Sylla sur le parti équestre, se réfugia en Espagne et s'y créa une façon d'empire. Il organisa les Ibères et les forma à la discipline et à la tactique militaire des légions. Les Aquitains des Pyrénées et de la Gascogne se rangèrent à ses côtés. Un proconsul de la Narbonnaise, L. Manlius, marcha contre Sertorius, mais il fut battu, et ses troupes repassèrent les Pyrénées en, désordre ; aux passages des cols, les Aquitains, pillèrent leurs bagages. Le Sénat chargea Pompée de réduire Sertorius. Celui-ci périt dans un complot, et l'envoyé du Sénat eut vite raison des troupes privées de leur général (72 av. J-C.) Il fit grâce à. tous ceux qui avaient embrassé le parti de Sertorius, pacifia la région de l'Ebre et fonda, à la descente du col de Roncevaux, la ville de Pampelune (ville, de Pompée).  

Il. - Le peuple romain poursuivit méthodiquement la conquête de la Gaule, qui fut achevée par Jules César. Pendant les -premières expéditions de ce général contre les Belges et les Celtes, en 58 av. Jésus-Christ, les Aquitains restèrent simples spectateurs des coups qui frappaient leurs voisins du Nord. ,Mais, en 56, comprenant sans doute que le danger ne manquerait pas de les atteindre, ils se préparèrent à envoyer des secours aux Armoricains (Bretagne). César les devança. Comme il était lui-même engagé dans une campagne - contre les Vénètes (Vannes), il chargea un de ses lieutenants, Publius Crassus d'aller soumettre lAquitaine. Crassus prit ,la tête de douze cohortes (7000 hommes) renforcées de quelques troupes auxiliaires. Les Aquitains n’eurent pas le temps de réunir leurs troupes. L'attaque des Romains fut brusquée. Ils traversèrent la Garonne dans la région d'Agen et trouvèrent devant eux les Sotiates sous les ordres de leur chef Adiatunn. Les indigènes durent reculer et se replier à l'abri de leur oppidum fortifié, Sos (canton de Mézi - Lot-et-Garonne). Crassus entreprit le siège de la place. Les Sotiates se défendirent mais, de guerre lasse, ils se rendirent. Adiatunn tenta, avec 600 de ses braves, de se frayer un passage à, travers les lignes ennemies. Il fut rejeté dans Sos. Crassus laissa la vie sauve à ces vaillants et le pouvoir à leur chef.  

III. - La résistance des Sotiates avait permis aux autres tribus de l’Aquitaine de s'organiser pour la résistance. Les troupes ibères se concentrèrent vers Dax ou Tartas. Elles avaient reçu de leurs frères de race d'au-delà des Pyrénées, des renforts ,et surtout des chefs, formés par Sertorius, qui connaissaient la tactique romaine et l'art de bâtir et de défendre un camp. Les deux armées restèrent quelque temps en présence à s'observer. Puis Crassus lança ses 10.000 légionnaires contre le camp des 50.000 barbares. Par une manœuvre habile, une partie de l’armée romaine put pénétrer dans le camp ennemie à un endroit mal défendu ou faiblement fortifié et attaqua par derrière les Aquitains. Ceux-ci déconcertés et démoralisés, lâchèrent pied et s'enfuirent, en saut par dessus les parapets des remparts. Poursuivis par la cavalerie romaine à travers la plaine, ils furent taillés en pièces ; un quart de l’armée à peine put échapper au massacre. Cette bataille eut lieu, en septembre, dans la plaine de St-Sever, ou dans celle de Bégaar, au Sud-Ouest de Tartas. Les peuplades aquitaines firent leur soumission et envoyèrent des otages au  vainqueur. Quelques tribus des hautes vallées furent récalcitrantes c'étaient peut-être les habitants de nos montagnes béarnaises. Comme l’hiver approchait, Crassus les laissa tranquilles. Lorsque César eut vaincu les dernières résistances gauloises, il vint en Aquitaine et toutes les tribus, lui envoyèrent des députés et des otages. Il proclama que la Gaule, des Pyrénées au Rhin, formait désormais une province romaine (fin de 51 av. J.-C).

 CHAPITRE IV . La domination romaine

 I. L'Aquitaine au début de l'Empire. - II. La Novempopulanie. - III. Les douze cités au IVème siècle. - IV. Organisation des cités. . V. La civilisation romaine le latin ; la religion les voies romaines les villas et leurs mosaïques.

 I.- La domination romaine en Aquitaine a duré près de cinq siècles (51 av. J.-C. - 419 de notre -ère). Au début, les soulèvements des peuplades ibériques nécessitèrent les expéditions militaires d’Agrippa en 38 av. J.-C. et de Messala en 27 av. J.-C. L'Aquitaine, définitivement soumise, fut constituée en province romaine par Auguste. Le nom d'Aquitaine, jusqu'alors réservé à la région Ibérique, comprise entre les Pyrénées et la Garonne, fut étendu à la partie de la Gaule située entre Garonne et Loire, dans l’intention de fusionner les Celtes avec les Ibères. La trentaine de tribus que César avait rencontrées au Sud de la Garonne furent groupées en cinq cités ; ainsi la cité des Tarbelles -(Dax) devait englober sans doute les peuples du Béarn (Venarni) ceux d'Oloron (Iluronenses) et d'Aire (Aturenses).

 Il. - Au Ilème ou IIIème siècle, l’Aquitaine ibèrique se sépara de sa partie celtique. On le sait par l'inscription découverte à Hasparren, qui porte qu'un personnage, du nom de Verus, a obtenu de l'empereur d'établir une séparation entre les neuf peuples et les Gaulois.  L'ancienne Aquitaine ibérique constitua ainsi une province distincte, la Novempopulanie, et se composa de neuf cités.

 III - A la fin du IVème siècle, la province de comptait douze cités : Eauze, qui, était la métropole Auch, Dax, St-Bertrand-de-Lectoure, St-Lizier de Couserans,La Teste de Buch, Beneharnum, Aire, Bazas, Tarbes, Oloron. Les cités de Béarn (Beneharnum), d'Oloron (Iluro) et d'Aire (Atura) avaient dû être détachées de la cité des Tarbelles pour constituer, des divisions indépendantes On a longuement discuté sur l’emplacement de Beneharnum. L'hypothèse de l'historien Marca, qui place cette cité à Lescar est basée sur les déductions les plus concluantes et paraît la plus probable à la majorité des érudits. Oloron, c'est l'oppidum ibère d’Iluro, dont le nom signifierait ville des eaux (il = ville, ur = eau).

 IV. - C'est l'aristocratie locale qui administrait la cité. Un conseil, la curie, était constitué par les décurions, ou curiales Les duumvirs présidaient la curie et administraient la justice ; ils étaient assistés par des édiles qui s'occupaient de la voirie et des jeux, et par des questeurs, chargés de l’administration financière. La cité se subdivisait en pagi (pays ou cantons), administrés par un magister pagi, soumis aux duumvirs de la cité ; les pays se partageaient en vici. Ces termes de pays et de vic ont survécu dans la toponymie pyrénéenne.

 V. - Les peuplades ibères se romanisèrent peu à peu.

Elles adoptèrent la langue des vainqueurs, le latin rustique, d'où devait naître le gascon avec ses nombreuses variantes sous-dialectales. Elles acceptèrent aussi les divinités du Panthéon la religion ibérique persista d'une façon remarquable, comme le prouvent les nombreux autels votifsdédiés aux sources, aux arbres, aux montagnes, au génie du lieu. Pour relier les cités les unes aux autres, les Romains dotèrent la Gaule d'un admirable réseau de routes. Une de ces voies romaines conduisait de Toulouse à Dax, en passant par Beneharnum. A Beneharnum se détachait la route vers Saragosse, par Iluro (Oloron) Aspaluca (Accous) Forum ligneum (Urdos) et Summus Pyrenoeus (Somport).. Une borne milliaire, qui se trouvait sur cette route, portant l’inscription : Iiuro, M. P. a été découverte près du Somport en 1860 et déposée au Musée de Pau. A l'entrée de la Vallée d'Aspe, à la Péne une inscription gravée dans le roc, qui a été détruite en 1886, mentionnait le nom de Lucius Vernus, duumvir de la cité d'Oloron sans doute qui avait fait réparer. cette voie.Les anciens chefs politiques formaient une aristocratie riche et puissante, dont la fortune était surtout foncière. La maison d'habitation était la villa, entourée des demeures de ceux qui exploitaient le domaine ; ces groupements ont donné naissance au village. Certains noms de localités, finissant en ac ou acq, dénotent une origine de ce genre : c'est le nom du propriétaire gallo-romain, augmenté de la finale latine - acum, marque d'un domaine, d'une villa: Claracq Pontacq, Sévignacq, Préchacq, Juillacq = domaine de Clarus, Pontus, Sabinus, Priscius Julius, etc.
     Milliaire du Somport

On a découvert des vestiges nombreux des luxueuses villas possédées par cette aristocratie terrienne, aux IIIème et IVème siècles. A Bielle, à Jurançon (Pont d’Oly), à Lescar, à Lalonquette, à Taron, à Bentayou, les riches pavés de mosaïque qui ont, été exhumés. -prouvent l'importance de ces demeures.

 

CHAPITRE VLes invasions barbares. Le christianisme.

I - L'invasion des Vandales, Alains et Suèves en 407. - II. Invasion des Wisigoths ; création d'un royaume wisigoth (419). - III. Prédication de  l'Evangile en Novempopulanie ; premiers évêques connus de Béarn et d'Oloron.

I. La Novempopulanie fut traversée et ravagée par les barbares, Vandales, Alains et Suèves qui, après avoir franchi le Rhin, sous la poussée des Huns, dévastèrent la Gaule, puis envahirent l’Espagne.

Il. - Les Wisigoths parurent à leur tour en 412. Comme les Vandales, ils ruinèrent les campagnes et portèrent partout la désolation et la mort. Après la prise de Toulouse et de Bordeaux, ils reculèrent devant l'armée de Constance, un des généraux de l'empereur d'Occident, Honorius et passèrent en Espagne. Ils reparurent en 419. Honorius traita avec eux et leur céda le Sud-Ouest de la Gaule, avec Toulouse comme capitale. Ils devinrent des auxiliaires de l’Empire et s'obligèrent à contribuer à sa défense. Une de leurs rois, Théodoric, prit part en effet, à côté du général romain, Aétius à la bataille des Champs catalauniques contre Attila. Il y périt (451). La domination des Wisigoths sur la Novempopulanie dura près d'un siècle. Ils organisèrent leur royaume sur le modèle de l’administration romaine,  partagèrent équitablement les terres avec les possesseurs du sol, de sorte que vainqueurs et vaincus vécurent en paix. Un de leurs rois, Euric (466-485), s'affranchit de tout lien avec Rome, étendit ses possessions jusqu'au Rhône et la Loire, conquit l’Espagne et devint le prince le plus puissant du monde barbare. Mais Euric, qui professait l'arianisme, voulut imposer sa foi aux Aquitains, persécuta les chrétiens orthodoxes, molesta les évêques, ferma les églises. Cela affaiblit son autorité. Son fils, Alaric Il (485-507) comprit l'écueil et se montra plus tolérant. Pour se rendre favorables les Gallo-Romains, il chargea une commission, réunie à Aire et dont les évêques faisaient partie, de rédiger un code de lois, inspiré du droit romain, et qui est connu sous le nom de Bréviaire d'Alaric. il fit réparer les anciennes voies romaines ; un Chemin d'Alaric relia Dax à Bayonne. Il forma le dessein de fertiliser la plaine de l'Adour et le Canal d'Alaric, en aval de Bagnères, lui est attribué. Il autorisa la réunion d'un concile, en 506, à Agde, où vingt-six évêques du Sud-Ouest furent présents. Malgré cela, les évêques, dont l'autorité était grande dans le monde gallo-romain, restaient hostiles aux Wisigoths ariens ; depuis que Clovis était devenu chrétien, ils souhaitaient la domination des Francs. La légende de l'ancien Bréviaire de Lescar nous montre saint Galactoire, évêque de Beneharnum, combattant contre les Wisigoths, à la tête de ses montagnards, et tombant dans la mêlée.

III. -. « Les origines du christianisme en Aquitaine sont enveloppées de l'obscurité la plus profonde ». (Mg r. Duchesne). Une tradition, rapporté par Fortunat et Grégoire de Tours, au VIème siècle, attribue l'évangélisation de la Novempopulanie à saint Saturnin (saint Sernin), martyris é à. Toulouse, par 1'empereur Décius (250). Remarquons, en passant, que le culte de saint Saturnin a été parti. ulièrement  en honneur dans le Béarn sur le chemin ossalois de transhumance. Au concile dArles, réuni par Constantin, en 314, figure Mamertinus, évêque d'Eauze, la métropole de la Novempopulanie. Vincent, évêque de Dax, fut martyrisé dans la capitale des Tarbelles, à une date incertaine, probablement vers 360. Auch possédait un évêque du nom d'Orientius, vers 439.

Notre Béarn a pu recevoir les premières prédications évangéliques de ces apôtres, sans quon puisse. avancer une date, même approximative. L'établissement du christianisme dans nos contrées ne trouve sa première base solide que dans les actes du concile d'Agde, tenu en 506. A ce concile se trouvaient présents Galactoire, évêque de Beneharnurn, et Grat, évêque d'Oloron. Les canons de ce concile supposent l'existence antérieure des diocèses, des églises et même des monastères. Il faut en conclure que le christianisme avait été prêché longtemps avant la tenue de cette assemblée, probablement dans le courant-du Vème siècle. Il est probable que des conversions isolées ont pu se produire à des époques, plus anciennes.

Le christianisme. fut adopté d'abord dans les centres urbains. Il fut plus long à se propager dans les campagnes ; le nom de paganus (païen), d'où vient le mot paysan, atteste que les populations rurales restèrent plus longtemps attachées aux vieilles croyances ou cultes ibères. Les premières églises furent élevées dans les villas gallo-romaines ou à côté d'elles ; on constate que les vestiges de ces anciennes villas se trouvent dans le voisinage de quelque église et que souvent le lieu où l'on découvre ces restes porte le nom caractéristique de gleysa ou glisia. Dans l' église de Lucq-de-Béarn, on voit un sarcophage de marbre, couvert de bas-reliefs représentant des scènes de l'Ancien Testament et les miracles du Christ. Sa facture l'apparente au sarcophage de  sainte Quitterie, qui se trouve dans l'église du Mas d' Aire et que l'on date au plus tard de la fin du Vème siècle. Ce sarcophage de Lucq a contenu le corps de quelque saint ou de  quelque grand personnage chrétien. C’est le monument le plus ancien de l'art religieux que possède, le Béarn ; c’est aussi l'un premiers témoins de la pénétration du christianisme dans nos contrées.